Est-ce que ta vie est à la hauteur de ce que tu voulais qu’elle soit ?

Il était étrange ce type. A l’instar de beaucoup d’autres que j’avais attirés avant. Je l’avais croisé 6 ans auparavant, et il ne m’avait pas adressé un seul mot. Moi, non plus, il m’impressionnait. Les gens lui tournaient autour. Il avait réussi. 6 ans plus tard, il met les deux pieds sur mon chemin m’annonçant que je lui plais. Alors, nous avons échangé et il m’a dit cette phrase-là :

Est-ce que ta vie est à la hauteur de ce que tu voulais qu’elle soit ?

La question était pertinente, bien qu’il l’eut posée avec une pointe d’agressivité, comme souvent quand il me parlait. Je n’ai jamais vraiment compris ce type. Mais j’ai aimé la question.

Nous étions en 2011, ma réponse était : non. Ma vie n’était pas à la hauteur de mes espérances. Elle était mieux, bien mieux. Parce que les conditions dans lesquelles j’avais été élevée me prédisposaient surtout à une destruction personnelle certaine. Et que j’étais là debout, sur mes deux petites jambes à tenter de mener du mieux que je pouvais la vie que je voulais. Et s’il y a une chose que je chérissais, c’était ma liberté d’agir. Parfois maladroitement, souvent avec un parfum d’errance, mais j’ai réussi une chose, oser aller vers ce que j’aime.

Aujourd’hui est-ce que ma vie ressemble à ce que j’imaginais. Non, putain, non. Elle est différente. Nous sommes samedi soir, et comme la plupart de mes samedis, je les vis seule. C’est un sentiment étrange de ne pas avoir de socle, de ne plus avoir de parents, de ne pas avoir de maison de famille, de ne presque pas avoir d’histoire. Ce n’est pas la fin du monde et comparé à ce qui secoue le monde aujourd’hui, ce n’est vraiment pas grand-chose. Mais ne rien avoir derrière soir, c’est un sentiment très étrange. C’est regarder les gens appeler leurs parents, aller aux fêtes ou en vacances en famille. C’est observer les personnes de mon âge embrasser leurs enfants. C’est comme s’il y avait une image et que j’étais toujours un peu en dehors du cadre. Je crois que je ne me suis jamais vraiment sentie intégrée nul part.

Sauf dans un endroit, l’intimité que j’ai créée avec mes amis. Car, il y a des gens qui t’acceptent tout entier, qui t’aiment quand tu es vivifiante, comme quand tu tombes. Ils savent que tu traînes des béquilles et ils te regardent comme si tu étais toujours un trésor. Non, ma vie n’est pas celle que j’aurais voulue. J’aurais voulu une famille, un amoureux, des enfants. Mais au milieu de tout cela, il y a toutes ces personnes qui ont parcouru ma vie de leur humanité, alors je suis riche de ça.

Mon portrait a été réalisé par la talentueuse photographe Leïla Garfield http://www.leilagarfield.com/ Elle l'a réalisé alors que j'étais en pleine rupture amoureuse. Entre deux fleuves de larmes, elle a obtenu ce portrait là. Merci à elle.

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10 comments

  • Isa says:

    coeur avec les doigts (et pourtant j'aime pas cette expression de djeuns)
    Même si j'ai un semblant plus étoffé de retraite familliale à l'époque des fêtes) j'ai le même constat

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  • Célicée says:

    Beau texte. Bonne soirée!

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  • Sheily Parisienne says:

    Vraiment très beau !

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  • ericregardelemonde says:

    Merci pour ce partage très intime

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    • TheCélinette says:

      Merci Eric. J'avais envie de retourner de temps en temps à une écriture plus intimiste :)

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  • julius81 says:

    Très beau texte, et je ressens à peu près le même sentiment concernant l'intégration dans un cadre...

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