Je suis crevée… Je cours partout depuis quelques semaines et la marmotte que je suis commence à rêver des bras de Morphée tout au long de sa journée.
Ce matin, le réveil sonne, j’essaye de bouger un bras, puis l’autre… J’y vais, j’y vais pas ? J’ai une matinée de libre, je pourrais dormir encore… Bon non j’y vais. Une bonne douche avec un gommage délicieux me réveille enfin.
Je vérifie mon matériel… mince, il me manque les ¾ des trucs (je prie pour que Danièle soit équipée). Puis je fouille dans mon appartement comme on part à la chasse au trésor ! Résultat des courses : le papier kraft des fleurs de P. ; une brosse à dents de quand j’étais pas bien grande, une ancienne éponge pour le visage…
Je saute dans mon jean et je m’engouffre dans la rue voisine, cherchant du regard, les migrants portant ce fameux grand carton rempli de feuille sous le bras. L’immense porte en bois, puis les escaliers. Je les enjambe rapidement.
Des gens, des salles… Mais laquelle est la mienne ? Celle-là, non… Bon ça doit être là. Je m’installe.
Mon voisin semble pratiquer depuis un certain temps. Il est déjà entrain de travailler alors que la prof n’est pas encore là. Comment est-ce possible alors que c’est notre première session ? Si, si c’est possible… Il s’était trompé de salle.
Elle arrive. Elle s’est Isabelle Vialle. Une artiste peintre qui est en résidence à l’atelier Ginko (9 rue Jeanne d’Arc, à Troyes), elle doit nous faire découvrir l’acrylique. Pour moi c’est une grande première. Je n’ai quasiment jamais peint. Une trouille bizarre s’est toujours emparée de moi à la vue d’un pinceau.
Cette femme commence à nous parler des supports, du matériel.
Plus je l’écoute et plus cela me confirme ce que j’ai toujours pensée… Une femme qui vit sa passion, est toujours possédée par une beauté touchante et particulière. Premier contact, première surprise : elle nous indique les magasins où se procurer le matériel : des magasins de bricolage. Il nous faut de la colle à papier peint, un rouleau de papier peint, des vieux outils, du sable, de l’acétone…. Et tutti quanti… Je n’étais déjà pas bien réveillée mais là mes connections neuronales peinent comme jamais.
Pour mon plus grand bonheur, nous n’avons pas commencé par du figuratif mais par se familiariser avec les textures et les possibilités offertes par cette matière. Cette familiarisation se voulait libre et atypique. Il fallait enduire, jeter du sable, peindre, essuyer, gratter, coller, décoller, jeter de l’eau…
Isabelle Vialle a mis de côté les pinceaux au profit d’une technique plus directe : de mains de maître, elle fouille sa peinture et laisse la matière se raconter. Novembre 2010
Après un moment de flottement (on est tellement cadré que le retour à la liberté est toujours un drôle d’effet), je suis lancée dans cette aventure. En acrylique, on fait, on défait, on recommence, on se fou des normes. Tout à coup j’ai perdu mon âge : j’avais celui qui s’étire sur le temps entre ma petite enfance et aujourd’hui.
J’avais 5 ou 6 ans … et les références artistiques qui me revenaient étaient celles de mes cours de dessins de maternelles. Je me souviens de la fierté que j’avais eu quand j’avais entièrement redécoré un pouf en superbe cuir blanc que venaient d’acheter mes parents. J’étais sur que cette liberté et ma participation à leur bonheur (l’acquisition de cette belle pièce) allait les enchanter … alors que … pas vraiment. Puis j’ai 32 ans, et j’exprime mes émotions de femme.
Ce cours de peinture acrylique, non académique, c’est comme le cours de cuisine de Pauline. Il faut le vivre. Pendant 3 heures ma fatigue s’est envolée. J’étais dans ma matière, et dans rien d’autre. Etpuis surtout, je me familiarisais avec des possibilités sans limites.
Je crois que c’est vraiment la première fois que je vois l’abstrait, et le travail de la matière de cette façon là. Avant je concevais davantage le dessin comme une reproduction, alors qu’Isabelle, nous le fait vivre comme une création.
Prochaine étape, allez la rencontrer dans son Atelier.
Et vous dans quel loisir vous sentez-vous différent ?