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Je suis en train de préparer la maison car je vais aller chercher avec des amis chers à mon coeur, mon petit chat, dimanche prochain. Je suis en train de réorganiser la maison pour que son espace de vie soit le plus agréable possible pour lui. La cuisine a été montée entre-temps. Je dispose les affaires de mon ancien chat, je nettoie au maximum pour retirer son odeur. Et c’est un moment vraiment spécial. Car chaque objet me rappelle à lui.

C’est vraiment un moment étrange la mort d’un animal de compagnie. Ce n’est pas juste une bestiole, c’est un membre de son quotidien, un membre de la famille que l’on choisit. Je ne pensais pas que cela me ferait mal à ce point. Tout simplement parce que l’on sait à peu près la durée de vie d’un chat (même s’il est mort un peu plus tôt que prévu), alors du coup, on tente de s’y préparer. Enfin, moi je tentais de m’y préparer depuis que des calculs urinaires avaient failli l’emporter quand il avait deux ans. Faites attention à cela, les propriétaires de chats, surtout les mâles. Ça peut vous tuer votre chat en quelques jours.

La mort, je connais, je n’ai plus de membres de ma famille proches. Je pensais être prête, pour mon chat, mais non. Perdre Haïku ça a été avoir des symptômes de dépression, comme on tombe d’une chaise. Le jour même, j’avais la sensation d’être dissociée de mon corps. Puis est venue cette sensation, comme un trou dans le cœur. Les choses vont mieux, je n’ai plus de douleurs physiques dans la poitrine, mais putain qu’il me manque.

Perdre un animal, c’est aussi un moment un peu honteux. Car ce n’est pas un humain. Du coup, on souffre, mais on a aussi honte de le dire. Je remercie du fond du cœur tous les gens qui ont été là pour moi. Dont mon adorable Chérazad qui m’a courageusement, accompagnée pour l’incinérer. Je remercie du fond du cœur tous ceux qui m’ont envoyé des messages pour me soutenir ou pour partager comment ils ont vécu la perte de leur animal. Ça m’aide tellement, si vous saviez. Ne négligez pas les petits gestes que vous avez pour les autres, ça porte tellement (que l’on se connaisse bien ou pas). Faites des câlins à tous ceux que vous aimez pour moi ;)

Sébastien Lilli de l’INREES m’a demandé de jeter un oeil sur le dernier reportage qu’il venait de réaliser « sentiments d’éternité« . Les questions abordées sont : « Peut-on parler de la mort pour vivre mieux ? Que se passe-t-il vraiment quand la vie s’arrête ? ». J’étais à la fois flattée par ce partage, mais un peu angoissée à l’idée de le visionner.

J’ai toujours eu conscience que la mort était une des dimensions de la vie, qu’il fallait l’accepter avec simplicité. Mais les derniers évènements de ma vie m’ont rendue plus fragile, tout simplement parce que la mort on n’en parle pas. Ca dérange, ça met mal à l’aise. Pourtant souvent, je vous avoue, j’ai besoin d’en parler.

Alors ici, je vais faire tomber ma pudeur pour partager cela avec vous.

On imagine le corps résistant. Parce qu’on l’a toujours vu comme cela. Ma mère ne faisait pas son âge. On lui donnait facilement 10 ans de moins. Mais quelques jours après l’annonce de la maladie, son corps s’est transformé. Elle est devenue si fragile, si maigre. Comme si un nombre incalculable d’années l’avaient rattrapée. Ce fut mon premier choc, voir ma mère qui ne pouvait plus assurer elle-même ses fonctions essentielles. Un claquement de doigt et l’énergie s’en va.

Rentrer dans sa chambre était le moment que j’attendais le plus dans la journée mais il était aussi ma plus grande angoisse. Parfois sans jamais le lui dire, je restais quelques minutes dans le couloir, pour rassembler mes forces. Pour rentrer l’air normale, pleine de joie. Je tenais le cap, je riais, je prévoyais. Puis je sortais et au bout du couloir, je m’effondrais.

Sa mort, ma mère n’en n’a jamais parlé. C’était sa façon de ne pas abdiquer.

Ce jour-là j’aurai dû rester sur Paris, mais je ne sais pas pourquoi, j’ai voulu rentrer à Troyes. Je suis venue la voir, son état physique était à peine supportable. J’étais terrifiée, je me suis assise à côté d’elle et je l’ai cajolée pour adoucir l’horreur de la situation.

La nuit tombée, j’ai cauchemardé. Je la rêvais immobile dans son lit, un air cadavérique, bouche bée, les traits figés. Je me suis réveillée en criant.

Assise dans mon lit, absourdie par le choc de ce rêve. J’ai tourné machinalement le visage vers mon réveil 4:50 du matin, c’était tôt, trop tôt. J’ai décidé de me lever, je me suis fait un thé. Puis j’ai mis une musique au hasard « I’m walking on sunshine » et me suis laissée bercer par les paroles de cette chanson.

Un demie-heure plus tard, on m’annonçait la mort de ma mère.

En allant chercher les documents administratifs, j’ai découvert l’heure de son décès 4:50.

Comme, l’une des personnes du reportage, j’ai pris ce rêve pour un aurevoir. Et je partage son opinion, une partie de nous meurt avec l’être cher. Une autre partie revit plus intensément, plus librement, avec une belle dose d’envies.

J’ai été touchée par ces témoignages et souvent je les rejoins. Vivre cela, m’a permis d’oser aimer. Le fait que je puisse mourir un jour m’indiffère mais je garde en moi cette notion si vibrante : ne perdons pas de temps !

Je vous conseille ce reportage qui donne la parole à des témoins dont l’histoire n’est pas toujours facile à partager en public. Si ces thématiques vous intéressent, sachez qu’elles sont abordées dans le prochain numéro du magazine n°14 Inexploré.

Un matin, je suis sortie de chez moi. J’allais refermer la porte de verre poli quand j’ai décidé de le faire un peu plus lentement que d’habitude. C’était l’époque où j’avais encore des horaires de travail commun à des millions de salariés.

Le matin j’assistais à ce bal. Les gens qui passent à la même heure, allant au même endroit. Je savais si j’étais à l’heure, en fonction de ces inconnus réguliers que je croisais. Tiens, c’est la dame qui va à l’école : « ou la la je la croise beaucoup plus loin d’habitude. Minnnce mon bus ». Je cours.

Ce matin là, je pris le temps de la pause. Rien n’avait changé dans le quotidien de ces gens pressés. Ils allaient et venaient avec la même mine joviale ou blasée. Mon quotidien, lui avait irrémédiablement changé.

Pour la première fois, je venais de perdre un proche qui avait partagé 25 ans de ma vie. Il s’était éteint au creux d’un cancer dans une clinique du sud de la France. Ma vie ne serait définitivement plus la même. Il était partie en mentant, en disant au personnel soignant que j’étais sa fille. C’était la première fois que j’entendais un aussi joli mensonge.

Nous nous étions tant combattu avec des différences, des convictions, des peurs viscérales et la même personne que nous aimions passionnément : ma mère. Avec lui j’avais trouvé le courage de dire les mots que j’avais dans le ventre, dire tout le paradoxe de détester et d’aimer à la fois. J’avais eu la chance d’éprouver l’envie de le faire avant que son corps ne le détruise. J’ai dû apprendre à aider une personne qui part. A accepter que putain c’est insurmontable de se sentir si démunie quand l’autre à mal. A accepter que dans ces moments là, sa souffrance on la tait pour puiser toute l’énergie que l’on a, pour pouvoir la restituer à l’autre.

Et puis un matin, on vous appelle. Vous savez très bien pourquoi on vous appelle. Pourtant vous niez. Quand ma mère m’a appelé, je lui ai dis « pourquoi tu m’appelles ? ». J’aurai voulu tant d’autres mots dans ma bouche. Mais ce matin là, je ne voulais pas entendre les siens. Pour ne pas que ces trois syllabes claquent dans ma cuisine : « c’est fini ».

Alors ce matin, là quelques jours après l’enterrement, quelques jours après le Sud. Je me suis posée là devant ma porte en verre poli, à comprendre que le changement de ma vie n’affectait pas celle des autres. Et qu’alors il fallait continuer, autrement …

EDIT : cette situation je l’ai connue il y a quelques années maintenant.