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… Et ce soir, je vous avoue que je ne le suis pas non plus. Un peu comme un élastique qu’on aurait tendu le plus possible et qui vous claque le visage quand il perd toute résistance.

Il y a un an, j’utilisais toute mon énergie pour lutter contre l’inertie, contre un diagnostic écrit. Une phrase peut changer toute votre vie « votre mère a un cancer du pancréas ». Quelques mots et tout votre quotidien vole en éclat. Je l’ai regardée. Elle m’a serré la main. Pour la première fois de ma vie, j’ai vu des larmes rouler sur les joues de ma tante. Puis on a fait comme on a pu, on s’est organisée.

En 15 jours, elle est devenue impotente. Ma mère, pour rester mère, m’a dit que tout allait bien. Moi pour rester sa fille, j’ai dit que j’allais bien, j’ai fait de l’humour et je l’ai chouchouté comme j’ai pu. Puis s’installe cet étrange bal, au cours duquel ma mère digne et courageuse n’a jamais rien dit de ses peurs et où moi j’ai tue les miennes.

Alors on avance comme un petit soldat, pour préserver la dignité de sa mère à défaut de pouvoir la sauver. Et un jour, on se réveille en réalisant, que l’on a rien d’un petit soldat et qu’au cours de cet étrange voyage, on a sacrément pris du plomb dans l’aile.

Un mois.

Un mois complet pour vider l’appartement de ma petite maman qui j’en suis sure trinque une coupe de Ruinart entre deux petits nuages blancs.

Quand début juin, j’ai demandé un mois off à mon boss, je me suis dit que ça faisait beaucoup. Mais comme je passais mon temps à pleurer et qu’au boulot, il n’y a même pas de nappe pour se moucher en réunion, je me suis dit que ça serait une bonne idée.

Là a commencé le déménagement de l’enfer : un mois complet à trier, tenter de vendre quelques trucs, transporter, chercher des solutions et des gens.Un mois rempli par cette activité (et la paperasse qui suit un décès). C’est pourquoi au cas, où un jour il vous arriverai la même chose j’aimerai vous prodiguer quelques conseils :

  • Interdisez à vos parents de mourir. Soyons honnêtes, ça me semble être une bonne base. Perso, d’entrée de jeu, quand nous avions appris le cancer de maman, j’avais été très ferme « Maman t’as pas le droit de mourir, parce que tu n’es pas encore grand-mère » – ce à quoi elle m’avait répondu « Oui ben dépêche-toi de tomber enceinte » et moi de répondre « T’es ridicule si ça se trouve dans deux heures je suis enceinte ».
  • Interdisez-leur de tomber malade. Parce que contrairement aux séries LES MEDECINS NE SONT PAS BEAUX et ça on ne m’enlèvera pas de la tête que ça joue vachement sur la guérison (et les grossesses bien sûr).
  • Tenez tête aux médecins. Moi j’avais été super ferme avec le chirurgien  » Dr avec maman on a bien réfléchi et on en veut pas de votre cancer. C’est trop vulgaire, tout le monde en a. Nous on a décidé d’opter pour une mammoplastie. On a trouvé ça plus joli ». Contre toute attente le chirurgien a réfuté mon diagnostic. Quel manque de professionnalisme !
  • Interdisez-leur de vivre dans des maisons médiévales avec des escaliers pour personnes d’1m30. Je suis très très ferme sur cet aspect. Bien qu’ayant un vif intérêt pour l’histoire, je pense que la règle « la largueur du meuble doit l’emporter sur la largeur de l’escalier » doit être une priorité.
  • Interdisez-leur de s’abonner à toutes sortes de catalogues inutiles. Ca tue des arbres et c’est un tri sélectif interminable. Ma mère recevait même un catalogue pour femmes fortes. Elle faisait du 36.
  • Aimez-les forts de leur vivant. Dites ce que vous avez à dire, aimez comme jamais, vivez l’instant comme s’il était le dernier.

Un grand merci à ma tante Anne (Anne ma tante Anne ne vois-tu rien venir?) –  aux deux Thibault – à Théo – à Ghislaine – au Mr qui m’a prêté sa corde pour passer les meubles par la fenêtre – aux commerçants qui nous on donné des cartons – et à nos petits muscles qui ont bien travaillé.

Bonjour Madame, j’aimerai voir le médecin. Dans cette unité de soins palliatifs quatre médecins se relayent. Je n’en connaissais que deux. Le troisième vient de prendre sa semaine de garde. Je voulais la rencontrer.

Il y a quelques heures cette femme médecin se tenait face à moi. Je lui ai dit : j’aimerai vous parler parce que l’état de ma mère empire et que c’est dur pour elle. Elle m’a répondu « mais ça doit être dur pour vous aussi » Une chape de plomb s’est alors abattue sur moi. J’ai senti tout le poids de la façade que l’on dresse pour se protéger. Je n’ai pas bronché et ai évoqué tout ce qui pourrait améliorer la condition de maman.

Mais me sont revenus dans la face ces dernières images. Ma mère décharnée sur son lit. Son visage creusé et intubé jusqu’à lui faire perdre son apparence initiale. Ses yeux qui me regardent, les miens qui se perdent dans les siens. Ses quelques mots à peine audible. Moi qui comprend qu’elle veut un peu plus de morphine. Moi qui donne un clic de soulagement. Le bruit étrange de la pompe à morphine qui me prend un peu plus ma mère mais qui la soulage aussi. Mon impuissance à contempler tout ça, à retourner à ma propre vie derrière.

A cette question du médecin, je n’ai pas répondu parce qu’il n’est pas toujours facile s’épancher cette douleur là.

Si vous saviez, le nombre de questions plus ou moins cohérentes que je me pose, ces temps-ci.

Je me demande : « ça parle quel langage une tumeur ? ». Parce que moi, je lui dirai bien d’arrêter de coller l’aorte, que ça ne sert à rien, qu’elle n’acceptera jamais de danser avec elle. J’aimerais bien pouvoir engueuler les anti-corps aussi. « Hep vous, v’nez par là. Regardez la tronche de ces cellules. Vous foutez quoi bordel ? Faut me détruire tout ça! »

Et puis je me souviens de mes cours dans lesquels j’expliquais aux étudiants les notions de langage verbal et de non-verbal et l’importance de la congruence. Vous savez quand les mots et le corps parlent le même langage. Parce que tout à l’heure, je l’ai surpris ma mère, à manquer de congruence. Elle faisait mine d’aller bien, mais dans son regard j’ai senti la peur. Une peur terrible viscérale.

Ma mère on dirait qu’elle sort de Dachau, elle fait 46 kilos maintenant. Alors, j’ai serré fort sa petite main en priant très fort pour qu’elle croit en ma congruence quand j’ai souri. Elle m’a regardé, puis je me suis transformée en statue de sel, incapable de bouger, pétrie d’impuissance.

Elle m’a regardé droit dans les yeux et elle m’a dit de rentrer. Alors, je lui ai obéit à ma petite maman.

Parce que mes deux dernières journées m’ont semblé être l’éternité, parce qu’à l’instar de Félix dans le Père Noël est une ordure, j’ai les jambes en coton-tiges, j’ai décidé d’aborder cette situation qui me ronge les tripes sous l’angle humoristique :

J’observe avec tendresse que même dans ces moments délicats, ma mère connait parfaitement mes goûts, et plus particulièrement mon addiction à Apple. Elle a déclaré le même cancer que Steve Jobs (cancer du pancréas). Face à la maladie, il faut avoir le courage de regarder la vérité en face.  En remplissant pour ma mère,  le formulaire pré-anesthésie, j’allais répondre à la question « avez-vous des allergies … au préservatif ».  Quand j’ai demandé : « dis-donc maman, il a prévu de faire quoi exactement avec toi, ce médecin ? »

Il faut savoir dans ces moments mettre tout en place pour que la quiétude du patient soit privilégiée et voir la vie du bon côté.  Aujourd’hui, je retrouve ma mère alitée devant la télé.

  • Tu regardes quoi ?
  • Maigret
  • Ah
  • Je l’ai déjà vu 3 fois cet épisode.
  • Ah ben c’est bien, t’aura pas de choc émotionnel quand il va révéler le nom du tueur.

Voir sa mère se tordre de douleur, c’est assez insoutenable. Tout à l’heure, je n’en pouvais plus. Je me suis levée pour aller voir les infirmières. Là, je m’attendais à les trouver dissertant dans un jargon médical sibyllin quand j’entendis « la patiente, elle avait de ces nibards j’te jure ». « Mesdames, bonjour ! ».

Moi je dis que dans des situations aussi critiques toutes les thérapies sont à envisager. C’est alors que j’ai suggéré à maman de prier Jean-Paul II, lui affirmant que s’il avait sauvé une femme de Parkinson, il allait pas chipoter avec une tumeur de 4 cm. Je lui ai affirmé que la tumeur allait disparaître laissant place à une petite cicatrice en forme de Jesus en croix qui se verrait au scanner. Que nous allions le revendre sur Ebay et devenir riche. Les médicaments ne doivent pas bien marcher parce qu’elle ne m’a pas cru.

Ah j’vous jure !

Ma mère ça fait un bout de  temps que sa santé m’interpelle. Elle se plaignait du ventre. Elle est allée voir deux médecins (son médecin traitant puis son remplaçant). Ils lui ont donné des médicaments pour ne plus qu’elle ait mal au ventre. Mais ma petite maman, elle restait alitée et sans vraiment manger. Elle est retournée voir le médecin généraliste, qui lui a dit « ah mais ça c’est tout à fait normal ma p’tite dame. C’est la vésicule biliaire qui déconne, il faut la retirer ».

Puis tout à l’heure, nous sommes allées à la clinique. Quand j’ai vu ma mère, j’ai cru qu’elle voulait passer un casting avec Bruce Lee. Je ne pensais pas qu’un humain puisse être aussi jaune. « C’est le foie qui morfle » m’a t-elle dit. Bon d’accord. Le chirurgien, lui pensait que c’était quand même pas sur que ce soit la vésicule et qu’avant de retirer la bête, un scanner ça serait bien. Môman a passé son scanner. On a attendu et nous sommes retournées voir le chirurgien. Là, il nous a dit : « au scanner, ils vous ont dit ? » On a pas voulu avoir l’air bête, on a dit « oui ». Rassuré, il a poursuivi « bon alors pour ce genre de cancer du pancréas … « .

Il y a des instants qui changent à jamais votre réalité. Il y a quelques heures, j’ai vécu l’un de ceux là.

Ce soir là, il y avait de l’ambiance.

J’étais dans le bar branchouille de la vie, papotant gaiement avec tout un tas de personnes à découvrir, riant avec des amis… Bref, profitant de la vie. Dans un élan festif, mon sac est rentré en collision avec un autre sac à main… Et là, au lieu d’un élégant bruit de sac à mains distingués, nous entendîmes un bruit de … verres…  Nous nous sommes regardées, droit dans les yeux … Et nous avons éclaté de rire, comprenant en un instant que nous partagions le même « hobbi » : le dérobage de verres des bars branchouilles. Nous avions environs 19 ans : une amitié était née !

Caroline, c’était (dans sa prime jeunesse) le genre de fille à répondre à un type qui la drague, ces propos là… Lieu boite de nuit estivale…

  • Un dragueur en herbe : « ben dis donc t’en fait une tête tes parents sont morts ou quoi ? Ha ha ha !!! »
  • Caro : « Oui ils sont morts »…
  • Le type (du coup hyper gêné) : « je suis désolé je ne savais pas … Ils sont morts comment ? ».
  • Caro : « Le yacht de l’ambassade a explosé » suivi d’une mimique faciale appropriée…. Bien sur elle a continué a lui narrer sa nouvelle vie d’orpheline d’ambassadeur, digne du meilleur soap opéra.

A l’époque ma technique pour faire fuir les post-pubères ascendant boulet, c’était de me dire étudiante en taxidermie… Alors forcément, ça aussi ça nous a rapproché.

Caro, c’est aussi celle qui m’a fait chanté mon premier karaoké dans son salon.

Décor : 1er janvier … Changement de lieu impromptu … retour chez les parents de Caro … Deux absents : Pierre et Jérôme … (perdu en route ???) … alors que les 12 coups de minuits allaient retentir. Pour patienter, Caro et moi, massacriions gaiement diverses chansons de cette cassette ramenée de Chine, par papa Caro. Je me souviens qu’une invité m’avait crié dessus parce que je massacrais une chanson d’Elton John… Et pourquoi, il serait épargné lui, ?!

On se disait, c’est quand même idiot, on va se faire la bise et Pierre et Jérôme ne sont toujours pas là … Pfff on peut pas compter sur eux … Bon … en fait … ils étaient derrière la porte depuis 20 minutes … mais comme on beuglait comme des génisses … On les entendait pas sonner …

Caro aujourd’hui, elle est toujours pareil. Elle a un humour qui me correspond bien, une vraie pudeur, et un regard toujours très humain sur la vie. C’est le genre de personne qu’on peut ne pas voir pendant 2 mois et que vous retrouvez comme quand on s’est quitté la veille.

La dernière fois que je n’ai pas eu de ses nouvelles pendant un peu plus d’1 mois, je ne me suis pas inquiétée. Sauf que la Caro, elle était entourée de militaires en blouse blanche, un stéthoscope autour du cou, dans les environs de Paris. Ils l’avaient accueillie pour lui dire que ses globules, ils étaient pas au top… et que ce dysfonctionnement avait un mot : Cancer.

Ma Caro préférée, elle se bat tous les jours pour garder la pêche, pour avancer dans la vie, pour rire encore. Moi j’ai arrêté de chialer après l’avoir eu au téléphone… Bon j’arrive pas encore à ne pas paniquer quand elle rentre à l’hôpital, pour une intervention …

  • Célinette : « Hein comment ça ils vont te piquer ?! » « Du sang ? T’as pu assez de sang ? »
  • Caro : « T’inquiète pas c’était prévu, c’est normal !».
  • Célinette : « ah bon ok » … p’tain j’ai encore paniqué, merde, merde, merde.

Tout ça pour vous dire que donner votre sang, ses plaquettes, son plasma et tout le tintouin c’est hyper important ! Pour les infos, c’est par ici Moi j’ai trouvé hier des cop’s pour y aller avec moi… Et vous ?